Fontaine enterrée de Kervizouarn
Vous pouvez découvrir la fontaine de Kervizouarn à une cinquantaine de mètres du sentier "A Dreuz" et de la "Boucle Communautaire".
Délaissée par les hommes qui n’en avaient plus usage, c’est pourtant grâce à eux qu’elle a été sauvée. Grâce à ceux qui travaillent la terre au quotidien et ont gardé en mémoire l’emplacement de ces trésors cachés, grâce aussi aux bénévoles des « Amis des Sentiers de Randonnée » qui retroussent leurs manches et mouillent leur chemise chaque mercredi, dans les chemins creux de la commune.
Fontaine de village, elle a rendu de fiers services à tous ceux qui ont puisé son eau, depuis le jour où elle a été bâtie, -qui saurait déchiffrer la mémoire des pierres ?- jusqu’en 1979, année où Eugène Quiniou, arrivé au bout de sa route, a cessé de venir y puiser son eau. Sa vie durant, il n’a bu que de cette eau-là !
L’eau indispensable à l’homme : depuis le premier jour de sa vie, où les matrones essoufflées accouraient avec des bassines d’eau chaude, jusqu’à son dernier jour, où pour son grand départ, les mêmes matrones venaient faire la toilette du mort. L’eau de la vie, l’eau pour s’abreuver, l’eau pour la cuisine, l’eau pour les bêtes, l’eau pour se laver, l’eau pour avoir toujours une maison nette, l’eau pour arroser les plantes et les fleurs.
Asseyez-vous quelques instants près de la fontaine, fermez les yeux, faites silence et vous entendrez :
Le sourcier brandissant sa baguette de coudrier s’écriant « Dour ! Dour ! » Tout comme le mousse perché sur la dunette annonçait « Terre ! Terre ! » .
Les puissants coups de pioches rythmés de « Han ! Han ! » des hommes creusant la terre pour atteindre la source salvatrice.
Le pas des chevaux sur le chemin caillouteux, revenant de la côte avec leurs lourds chargements de pierres, le crissement des roues ferrées de la charrette et le couinement de son bois.
Le tintement et l’écho des marteaux, des pics et des burins sur le granit, taillant peu à peu les pierres de la voûte, celles des marches et celles de la margelle où reposerait le seau, assemblant et maçonnant, afin que l’humble source gagne le droit d’être appelée fontaine.
Les conversations tour à tour sérieuses et plaisantes, les silences laborieux et les grands rires sonores des hommes s’entraidant à la construction, les commentaires et conseils avisés des femmes et les fous rires étouffés des enfants moqueurs.
Ecoutez encore le claquement des sabots descendant prudemment les marches, le bruit du seau heurtant les parois, plongeant au fond et remontant en gouttant.
Entendez-vous l’aspiration longue et bruyante du paysan fourbu venu s’abreuver en buvant l’eau fraîche au creux de ses mains ?
Chanterez-vous avec les fillettes de Kervizouarn qui empruntent ce chemin, pour se rendre à l’école du Tréas, dansant le pas des écoliers en sautillant d’un pied sur l’autre ?
Sainte Maritaine taine taine
Va à la fontaine taine taine
Va puiser de l’eau l’eau l’eau
Dans son petit seau seau seau
Le pied a buté té té
Le seau est tombé bé bé
L’eau s’est renversée
Fontaine née du bon sens et du savoir-faire ancestral des hommes d’ici. Nul nom d’architecte n’est gravé à son fronton ! Nul saint -fût-il inconnu- ne la protège !
Fontaine qui a retrouvé belle apparence grâce au travail des « Amis des Sentiers de Randonnée », grâce aussi au voisin bienveillant qui a fourni les pierres manquantes, grâce aux « Pêcheurs Plaisanciers » qui ont tressé les cordes, grâce aux mains des femmes qui sont venues discrètement semer des capucines et encore grâce aux « riverains » qui tels des Chaperons Rouges allant voir Mère-Grand, s’en venaient à tour de rôle, le mercredi à l’heure du goûter, un panier d’osier sous le bras.
Dans ce panier, sous le torchon à carreaux … se trouvaient une bouteille et quelques verres …
En partageant le pot de l’amitié, ces hommes-là savaient-ils qu’ils appliquaient à la lettre la devise que l’on pouvait voir jadis, inscrite en belles lettres, sur la façade d’un café, face à l’église de Goulven :
« MIEUX VAUT LE VIN D’ICI QUE L’EAU DE LÀ »
Pour avoir su mener à bien ce projet, merci à tous et à chacun !
Merci d’avoir consolidé la chaîne du temps en forgeant de vos mains un solide maillon reliant le passé oublié à l’avenir inconnu.
Promeneurs curieux qui passez par Kervizouarn, asseyez-vous quelques instants près de la fontaine, fermez les yeux, faites silence et vous entendrez . . .
Sylvie GOUGAY . Kerlouan les 12 et 13 novembre 2010
Pour la revue « Environnement & Patrimoine » N° 90 . Décembre 2010.
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